La Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) et notamment les pays de l’Afrique centrale sont dans le collimateur des parlementaires américains. A en croire, la plateforme zonebourse.com, ces derniers viennent de présenter un projet de loi qui pourrait bloquer le soutien du Fonds monétaire international (FMI) à certains pays d’Afrique centrale, afin de protéger les milliards de dollars que les compagnies pétrolières doivent mettre de côté pour la restauration de l’environnement.
Ce projet de loi met en lumière l’impasse dans laquelle se trouvent les investisseurs étrangers, d’une part, et les autorités monétaires d’Afrique centrale, d’autre part, qui tentent d’appliquer des contrôles de capitaux plus stricts sur les industries extractives afin de consolider les réserves épuisées.
Introduit par les représentants républicains américains Bill Huizenga et Dan Meuser, le projet de loi vise les nouvelles réglementations imposées par la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), la Banque centrale régionale, qui exigent que les compagnies pétrolières internationales (CPI) déposent les fonds de restauration de l’environnement sur des comptes contrôlés par la BEAC.
Ces fonds, estimés entre 3 et 6 000 milliards de francs CFA (environ 5 à 10 milliards de dollars) et actuellement détenus dans des banques étrangères, ont été mis de côté par les compagnies pétrolières internationales opérant dans la région en vue d’une future dépollution de l’environnement après la fin de la production.
Les États membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) souhaitent que ces fonds soient transférés à des institutions régionales afin de soutenir leurs économies et leurs avoirs en devises. Cette mesure, soutenue par le FMI et approuvée lors d’un sommet d’urgence des chefs d’État de la CEMAC à Yaoundé en décembre 2024, est considérée par les gouvernements de la région comme une étape cruciale dans la lutte contre la fragilité économique.
Selon le rapport sur la politique monétaire de la BEAC de mars 2025, la mise en œuvre devrait prendre effet à partir du 1er mai, conformément aux résolutions du sommet, avec des pénalités allant jusqu’à 150 % des fonds de restauration en cas de non-respect. La BEAC a également suggéré d’augmenter les taux de rapatriement dans la région d’autres fonds, y compris pour les dépenses opérationnelles des entreprises extractives, actuellement fixés à 35 %.
Perenco, une société pétrolière française privée ayant d’importantes activités dans la région, a déclaré qu’elle négociait avec les parties prenantes régionales pour parvenir à un accord avant la date limite du 30 avril 2025. « Perenco se conforme déjà à la règle des 35 % de rapatriement des fonds et à toutes les réglementations en vigueur », a déclaré un porte-parole. Les autres compagnies pétrolières de la région n’ont pas répondu aux demandes de commentaires. En Guinée équatoriale, le ministère des finances a rencontré les principaux opérateurs Marathon Oil, Chevron, Kosmos Energy et Vaalco Energy pour discuter de la question, a déclaré une source.
Détérioration des réserves
Les six membres de la CEMAC – Cameroun, Gabon, Tchad, Guinée équatoriale, République centrafricaine et République du Congo – partagent une politique monétaire commune, une monnaie et la banque centrale commune de la BEAC. Ils ont eu du mal à sortir de la pandémie de COVID-19 et d’autres chocs mondiaux, ce qui les a amenés à manquer de réserves de change pour couvrir les importations et la dette. Lors du sommet de décembre dernier, le président camerounais Paul Biya a mis en garde contre les « conséquences désastreuses » pour les pays si des mesures urgentes n’étaient pas prises pour remédier à la détérioration de leurs réserves extérieures nettes.
Les détracteurs du projet de loi, y compris ses auteurs, affirment que le mandat de la BEAC risque de compromettre des milliards de dollars d’investissements américains dans le secteur du pétrole et du gaz en Afrique centrale. « En refusant de préciser que ces fonds de restauration ne seront pas comptabilisés dans les réserves de change brutes, le FMI a induit en erreur les États membres de la CEMAC et a directement mis en péril des dizaines de milliards de dollars d’investissements des compagnies pétrolières et gazières dans la région », indique le projet de loi.
Le projet de loi précise que les fonds sont contractuellement limités et destinés à la réhabilitation future de l’environnement, et qu’ils ne devraient donc pas être « facilement disponibles » ou « contrôlés par les autorités monétaires pour être comptabilisés dans les réserves de change ».
En vertu de cette proposition de loi, le Trésor américain ne pourrait soutenir aucune proposition du FMI concernant les pays de la CEMAC jusqu’à ce que le FMI confirme publiquement que ces fonds ne peuvent être considérés comme des réserves de change brutes. Cette mesure pourrait empêcher d’autres approbations du soutien financier du FMI pour certains pays de la région qui dépendent fortement du soutien du Fonds, tels que le Cameroun et la République du Congo.
Le FMI n’a pas répondu immédiatement aux questions sur les implications du projet de loi.Dans un rapport publié en mars, le FMI a mis en évidence de graves préoccupations concernant l’économie de la région CEMAC, avertissant qu’en l’absence de mesures correctives, certains pays pourraient être confrontés à des niveaux d’endettement proches de 100 % du PIB et à une diminution des réserves d’ici à 2029. Autrement dit, cette situation pourrait aggraver les problèmes de liquidité et menacer la stabilité financière et la capacité de remboursement de la région.