La note souveraine Caa2 du Gabon n’est pas de bon augure et pourrait charrier de lourdes conséquences sur le microcosme économique du pays. C’est ce que démontre Nide Gaël Boulingui, universitaire et ancien conseiller en charge des ressources naturelles et des infrastructures au département de l’Economie à l’ambassade de la République de Corée au Gabon, dans une analyse intitulée : « Le Gabon face à une dégradation de sa note souveraine : quels enjeux pour l’avenir ? » .
A travers celle-ci, il décrypte cette note souveraine attribuée au Gabon en juillet 2024, par l’agence de notation américaine Moody’s qui l’abaissait de Caa1 à Caa2 avec une perspective stable. Cette dégradation, explique-t-il, met en lumière, les défis économiques et financiers majeurs auxquels le pays est confronté, tout en accentuant les risques de défaut de paiement, fait savoir l’enseignant de Université Omar Bongo. ·Dans son analyse, il revient dans un premier temps, sur la notation Caa2.
Que signifie la notation Caa2 ?
Sur l’échelle de Moody’s, la catégorie Caa reflète une solvabilité très faible, où les obligations financières sont considérées comme hautement spéculatives, renseigne-t-il. Avant d’ajouter que le passage à Caa2, un sous-niveau inférieur, indique une détérioration supplémentaire de la situation financière du Gabon, augmentant ainsi les craintes d’un défaut de paiement bien qu’il ne soit pas encore avéré.
Conséquences économiques immédiates
Selon M. Boulingui, en termes de conséquences, la notation Caa2 relève un coût accru des emprunts internationaux. Pour ce faire, le Gabon devra désormais offrir des taux d’intérêt plus élevés pour attirer les investisseurs, alourdissant davantage son fardeau financier, une perte de confiance des investisseurs. Cette baisse risque de décourager les investissements étrangers et locaux, ce qui pourrait aggraver le ralentissement économique avec une inflation galopante et enfin, une moindre capacité de financement. Selon lui, avec cette notation, mobiliser des ressources pour financer les projets d’infrastructures ou des dépenses publiques devient un défi considérable.
Les causes de la dégradation
Plusieurs facteurs expliquent cet abaissement à savoir : un endettement croissant. L’universitaire souligne par exemple que le poids de la dette publique par rapport au PIB continue d’augmenter, soit au-dessus du plafond 70% fixé par la norme communautaire de la Cemac ; la dépendance économique au pétrole constitue également la cause de cet dégradation.. Selon M. Boulingui, la faible diversification économique expose le pays aux fluctuations des prix des matières premières. Cet effet combiné de l’expansion des dépenses publiques notamment la hausse de la masse salariale (soutenue par les recrutements massifs dans l’armée et l’augmentation de l’équipe gouvernementale, pour exemple), la prolongation des subventions sur les carburants, les dépenses liées à l’organisation des élections et sans omettre la corruption, vont engendrer un creusement du déficit budgétaire en cette année 2025.
A cela s’ajoutent, les arriérés de paiement : le Gabon a récemment accumulé 17 milliards de FCFA d’arriérés envers la Banque mondiale, illustrant ses difficultés de gestion financière. Cela ne peut que contribuer à éroder la confiance des partenaires financiers et des investisseurs étrangers et l’instabilité institutionnelle qui se manifeste par les incertitudes politiques et la gouvernance fragile accentueront davantage les risques économiques en 2025.
Quelques pistes de solutions
Face à toutes ces pesanteurs, Nide Gaël Boulingui préconise quelques solutions . Selon lui, pour inverser cette tendance, le Gabon devra adopter des réformes économiques ambitieuses à savoir, une discipline budgétaire, l’optimisation des dépenses publiques en réduisant encore le train de vie de l’Etat et mobiliser les ressources internes à travers le renforcement de la collecte des recettes fiscales, la diversification plus poussée de l’économie, avec la poursuite des efforts de réduction de la dépendance au secteur pétrolier en développant d’autres secteurs, tels que l’agriculture, l’élevage (les 1000 têtes de bœufs livrées à Ndendé étant à saluer), le tourisme et les services.
Comme autres solutions, il met également en exergue, l’amélioration de la gouvernance. Elle de var se traduire avec le renforcement de la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite, assurer une stabilité politique en réitérant l’engagement de remettre le pouvoir aux civils au terme de la Transition, et une meilleure transparence dans la gestion des deniers publics pour restaurer la confiance des investisseurs et accroitre ce-faisant des IDE, levier important dans la réduction du taux de chômage.
La note Caa2 est un signal alarmant pour l’économie gabonaise, soulignant l’urgence de réformes structurelles
En somme, conclut Nide Gaël Boulingui, la note Caa2 est un signal alarmant pour l’économie gabonaise, soulignant l’urgence de réformes structurelles. Le pays doit non seulement s’atteler à restaurer la confiance des marchés financiers, mais également répondre aux attentes de sa population en matière de développement économique et social. Dans ce contexte difficile, des décisions stratégiques audacieuses basées sur une priorisation des investissements rentables seront essentielles pour éviter une dégradation supplémentaire du tissu socio-économique. Mais le Général Président, très soucieux de prouver à la face du monde, qu’il est un « Josué » des temps modernes pourrait-il sauter le pas pour se lancer réellement dans la voie de la stabilisation durable de notre économie et ce loin des artifices cosmétiques ? Let’s wait and see !