Le 14 juin 2024, Moody’s a abaissé la note du Gabon de Caa1 à Caa2 et a ajusté la perspective de négative à stable. Cette décision fait suite au changement de perspective de stable à négative en septembre 2023, survenu après le coup d’État militaire du mois précédent.
Plusieurs facteurs ont contribué à cette décision. Premièrement, les récentes révisions des données budgétaires, remontant à 2022, « ont révélé une sous-estimation significative des dépenses publiques » à l’approche des élections d’août 2023. En raison de ces dépenses extrabudgétaires non comptabilisées, le fardeau de la dette du Gabon en pourcentage du PIB est supérieur de 14 points de pourcentage à l’estimation précédente de Moody’s en septembre.
La politique budgétaire expansionniste du nouveau gouvernement de transition est un autre facteur contributif. Le budget 2024 comprend « des plans pour une augmentation nominale de 12 % de la masse salariale du secteur public, de nouveaux transferts et subventions et une augmentation de 67 % des investissements publics ». En outre, les « attentes sociales élevées » à l’égard du nouveau gouvernement de transition constituent un risque supplémentaire pour les dépenses.
Des exemples récents incluent le rétablissement des bourses pour les étudiants du secondaire, la réduction du coût du gaz de cuisine et la promesse de payer les arriérés dus aux retraités. Moody’s souligne également plusieurs dépenses potentielles et coûteuses en dehors du budget 2024, notamment le projet d’acquisition d’Assala Energy, la création d’une compagnie aérienne nationale, une nouvelle banque nationale de développement et la construction d’un nouveau centre administratif.
Enfin, les dépenses gouvernementales non déclarées et les besoins de financement supplémentaires « exacerberont les pressions sur les liquidités dans un contexte d’options de financement relativement limitées ». Moody’s note que « le soutien financier de la communauté internationale est resté limité après l’intervention militaire, obligeant le Gabon à s’appuyer de plus en plus sur le marché régional peu profond des capitaux de la Cemac pour son financement ». Cela augmente également les risques de refinancement avant l’amortissement des euro-obligations de 605 millions de dollars prévu en juin 2025.
Le rapport de Moody’s met en évidence quelques points positifs. Les dépenses non déclarées ont eu lieu sous le gouvernement précédent, et l’agence a félicité le nouveau gouvernement pour sa transition vers « une plus grande transparence des données budgétaires » et ses efforts visant à améliorer la gestion des finances publiques, y compris une numérisation accrue. De plus, le risque de sanctions importantes a diminué.
La production pétrolière a récemment augmenté et la croissance de l’économie non pétrolière devrait stimuler les recettes fiscales. Une évolution vers une politique monétaire plus expansionniste à l’échelle mondiale allégerait le fardeau financier du Gabon. La Banque centrale européenne a réduit ses taux en juin et nous prévoyons que la Réserve fédérale fera de même en septembre. Par conséquent, nous nous attendons à ce que la BEAC réduise son taux directeur de 50 points de base au total en 2024, pour le ramener à 4,5 % d’ici la fin de l’année. La BEAC a repris ce mois-ci les injections de liquidités dans les banques de la région de la Cemac après avoir interrompu ces opérations en février 2023.
Un calendrier pour la mise en place du gouvernement de transition a été établi, avec des élections prévues en août 2025, deux ans après le coup d’État. Cependant, Moody’s a noté que ces dates restent sujettes à d’éventuelles révisions. Le récent dialogue national s’est terminé dans les délais prévus, ce qui est encourageant et laisse penser que les délais de transition restants pourraient également être respectés.
En fin de compte, l’accès à des financements concessionnels moins coûteux dépendra de l’achèvement des réformes démocratiques, ce qui laisse subsister une incertitude considérable.