Les inquiétudes nées du ‘’Coup de Libération’’ du 30 août dernier 20233, semblent désormais se conjuguer au passé. Le 26 janvier 2024, l’agence de notation Fitch Ratings après ses prévisions sombres sur le Gabon au mois de septembre, au lendemain du coup de force, vient de confirmé sa note de défaut de l’émetteur en devises à long terme à « B- ». Le plus marquant est qu’elle retire par la même occasion sa surveillance négative, tout en lui attribuant une perspective stable.
En effet explique-t-on, « cette notation est le reflet de l’apaisement des incertitudes politiques, suite à la formation d’un gouvernement de transition comprenant des représentants de la société civile, des membres de l’opposition et de l’ancienne administration d’Ali Bongo ». En outre, la tenue des prochaines assises nationales prévues par la transition en vue de la rédaction d’une nouvelle constitution et un nouveau code électoral, afin d’organiser des élections libres et équitables, prévues en août 2025, constitue un acte fort de la part du nouveau régime en vue de ramener la paix et la sérénité dans le pays.
Toutes des initiatives qui concourent retour à l’ordre constitutionnel et qui décrispent le climat socio-politique et économique. Fitch Ratings affirme également qu’aucune sanction économique ou financière n’a été imposée au Gabon qui gérait ses paiements en euro-obligations. Et que malgré les sanctions sous-régionales, la plupart des créanciers et partenaires multilatéraux ont repris leurs relations avec le pays.
Quant aux fondamentaux du crédit, notamment l’IDR « B- » du Gabon, il reflète un PIB par habitant plus élevé que celui de ses pairs et des paramètres budgétaires améliorés face à l’incertitude politique. Par ailleurs, les perspectives stables reflètent l’attente selon laquelle, les prix élevés du pétrole et la mobilisation accrue des revenus non pétroliers soutiendront la position budgétaire du Gabon. Ce qui permettra ainsi une baisse du rapport dette/PIB.
Excédent budgétaire
Il s’est amélioré pour atteindre environ 2,3 % du PIB en 2023, contre 1,1 % en 2022. Le projet de loi de finances 2024 (PLF24) prévoit des recettes plus élevées (+15,7 %) et des dépenses (+17 %) par rapport à 2023. La Loi de Finances 2024 table toutefois sur sa baisse de 1 % du PIB.
L’agence de notation prévoit également une hausse des investissements publics durant la transition politique en cours. Sauf qu’elle risque toutefois d’entraîner des pressions supplémentaires sur les dépenses publiques, les salaires, les subventions aux carburants et les intérêts.
A cela s’ajoute l’acquisition potentielle des actifs pétroliers d’Assala qui pourrait aussi exercer une pression supplémentaire sur les dépenses publiques. Cependant, elle pourra tout de même être compensée en partie, par la hausse des recettes pétrolières élevées, la mobilisation continue des recettes non pétrolières et la réduction des exonérations fiscales.
Fitch prévoit aussi une hausse des investissements qui pourra soutenir le développement des infrastructures. Et que les élections de 2025, pourraient augmenter le risque de dérapages budgétaires. Cela, dans la mesure où le gouvernement sera contraint d’augmenter les dépenses de sécurité et les subventions pour maintenir la stabilité sociale. En outre, l’absence de stratégie budgétaire à moyen terme accroît encore l’incertitude quant à la trajectoire budgétaire.
Une structure budgétaire difficile
Pour Fitch les recettes pétrolières devraient représenter 38,8 % des recettes totales en 2024 (conforme à la moyenne 2018-2022), alors que la production pétrolière augmente en raison des prix élevés du pétrole qui incitent aux investissements et à l’optimisation des gisements matures. Fort de cela, les recettes pétrolières continueront de déterminer la performance budgétaire du Gabon à moyen terme, dans la mesure où la lenteur de la réduction des dépenses fiscales atténue le poids des secteurs non pétroliers sur les recettes budgétaires.
Le gouvernement de transition a apuré 381,4 milliards FCFA (2,8% du PIB) d’arriérés entre septembre et novembre 2023. Il a cependant continué à accumuler des arriérés extérieurs, estimés à 99 milliards FCFA (0,7%) à fin 2023. La faiblesse de la gestion de la trésorerie met en évidence des difficultés persistantes de coordination entre la direction de la trésorerie et le service de la dette, ce qui contraint les notations.
Le marché régional atténue les risques de financement
En 2023, le Gabon n’a pas reçu de décaissements du FMI (0,4 % du PIB) et n’a reçu qu’une partie des financements budgétisés de la Banque africaine de développement (BAD) et de l’Agence française de développement. Les émissions sur le marché régional ont atteint 585 milliards FCFA (4,3% du PIB) en 2023, soit plus que prévu (3,3% du PIB), ce qui a comblé une partie du déficit de financement extérieur. Bien que la BAD et la Banque mondiale aient repris leur coopération avec le Gabon, le PLF24 n’inclut pas leur appui budgétaire. Le Gabon s’appuiera davantage sur le marché régional, autour de 4,1% du PIB.
Un remboursement des euro-obligations
Malgré des arriérés récurrents de la dette extérieure, le Gabon a donné la priorité au service de ses euro-obligations. En août 2023, le Gabon a finalisé une opération d’échange de dette contre nature, offrant un allégement financier de 95 millions de dollars (0,4 % du PIB) pour l’euro-obligation de 700 millions de dollars arrivant à échéance en 2025 et de 405 millions de dollars (1,7 % du PIB) pour les échéances de février et novembre 2031. Remarques. Le PLF24 prévoit une émission internationale de 3,3% du PIB, pour refinancer les billets à échéance 2025. Cependant, l’accès aux marchés internationaux pourrait être limité.
Une dette publique maîtrisée
Les hypothèses de base d’excédents budgétaires et de croissance résiliente de Fitch indiquent que la dette publique passera de 56,0 % en 2023 à 52,2 % du PIB en 2025 (conforme à la médiane « B » de 2025). Toutefois, une forte baisse des prix du pétrole pourrait modifier la trajectoire. Nous prévoyons un prix d’équilibre du pétrole d’environ 65 USD/b en 2025.
Une croissance résiliente
L’agence estime par ailleurs que la croissance du PIB réel a ralenti à 2,3 % après 3,0 % en 2022. La production pétrolière a augmenté (+3,7 %). « Nous prévoyons que la croissance restera résiliente, à 2,5 % et 2,8 % respectivement en 2024 et 2025. Elle sera soutenue par l’augmentation temporaire de la production pétrolière, la reprise des industries minière et forestière, ainsi que le dynamisme de la construction. La croissance à moyen terme dépendra de la diversification économique, en se concentrant sur les secteurs non pétroliers orientés vers l’exportation. La croissance sera également tirée par les investissements dans les infrastructures et le développement de zones économiques spéciales », renseigne l’agence de notation.
Avant de souligner « qu’un ralentissement chez les partenaires du Gabon, notamment la Chine, la volatilité des prix des matières premières et la médiocrité des réseaux d’infrastructures constituent des risques baissiers pour la croissance. Et que les incertitudes liées à la transition politique et aux élections de 2025 pourraient également affecter la croissance ».
Une position extérieure plus faible
Selon l’analyse de Fitch « la balance courante du Gabon est passée d’un excédent de 5,5 % en 2022 à un déficit de 2,5 % en 2023. Cela, en raison de la hausse des importations et de la réduction du ralentissement des exportations non pétrolières dû à l’arrêt du trafic ferroviaire. Nous prévoyons des déficits du compte courant de 4,7 % en moyenne en 2024 et 2025, car les projets d’infrastructures pèseront sur la facture des importations. Même si les recettes pétrolières diminueront à mesure que les prix du pétrole diminueront, nous prévoyons une reprise des exportations non pétrolières ». https://www.fitchratings.com/research/sovereigns/fitch-places-gabon-b-idr-on-rating-watch-negative-05-09-2023